Waterloo... Morne plaine.
I. L'envol de l'Aigle
1. La remontée triomphale jusqu'à Paris :
Exilé sur l’île d’Elbe en vertu du traité de Fontainebleau du 13 avril 1814, Napoléon Bonaparte s’en évade et débarque à Golfe-Juan, en Provence le 1er mars 1815. Accueilli avec enthousiasme dans les villes qu’il traverse et ralliant toutes les troupes envoyées par le gouvernement royal pour l’arrêter, l’Empereur remonte triomphalement jusqu’à Paris où il entre le 20 mars. Un Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire est promulgué interdisant la censure et le retour des Bourbons sur le trône. C’est l’Empire libéral et la période des Cent-Jours.
« Soldats ! S’il en est un parmi vous qui veuille tuer son Empereur, me voici ! » A ces mots, les anciens grognards rallient en masse les rangs bonapartistes.
2. Les réactions du congrès de Vienne :
La reprise du pouvoir par Napoléon n’avait pas interrompu le déroulement du Congrès de Vienne. De fait, les chefs d’États et de gouvernement (ou du moins leur émissaire) profitèrent de leur réunion pour organiser la nouvelle campagne contre le Corse. Ils mobilisèrent leurs armées et préparèrent leurs plans de batailles…..
Le 25 mars, ils signent le traité de Vienne qui s’engage à défaire une fois de plus l’ « Ogre ».
Le duc de Bourbon (le père du duc d’Enghien, fusillé par Bonaparte) tente en vain de soulever la Vendée et doit s’exiler le 27 mars. Néanmoins, le 15 mai, suite au rétablissement de la conscription, les Vendéens se rebellent contre l’Empire. Leur rébellion durera jusqu’au 26 juin en immobilisant des troupes qui auraient été précieuses ailleurs.
3. La nouvelle guerre de coalition :
Les troupes britanniques commandées par le duc de Wellington et celles prussiennes du maréchal Blücher stationnaient déjà dans le royaume des Pays-Bas nouvellement formé. Les armées autrichiennes devaient envahir l’Alsace-Lorraine tandis que les troupes du Tsar peinaient à se remettre en route vers l’Allemagne de l’Ouest.
Napoléon avait pour projet de prendre l’offensive contre les armées britanniques et prussiennes stationnées en Belgique avant que les Russes et les Autrichiens se joignent à eux pour se déverser sur les frontières. Ensuite viendrait le tour de ces derniers et puis celui de l’armée russe. Néanmoins, s’il avait privilégié une stratégie offensive au nord, Napoléon choisit avec un soin particulier les chefs des armées du Rhin (le général Jean Rapp), des Alpes (le maréchal Suchet), du Var (le maréchal Brune) et des forteresses sur les Pyrénées (sous la responsabilité du général Clausel). L’excellent maréchal Davout est nommé ministre de la Guerre et gouverneur de Paris. Il parvint à lever 500 000 conscrits pour toutes ces armées, mais surtout pour l’armée du Nord destinée à être le fer de lance de l’offensive.….
II. La campagne de Belgique.
1. Plan de campagne de Napoléon et l'Armée du Nord :
L’Empereur avait décidé de prendre les Anglos-prussiens par surprise qui disposait d’une supériorité numérique de deux contre un. Il prévoyait de concentrer son armée à Charleroi, entre les alliés, puis de les attaquer avant qu’ils puissent se réunir. Au final, Wellington aurait été contraint de se replier vers Bruges et Anvers et Blücher sur Liège et Maastricht.
L’armée du Nord, que Napoléon avait désigné comme l’armée principale, comprenait 123 000 hommes soit cinq corps d’armée, la Garde impériale (20 000 hommes), une réserve de cavalerie appuyée par 358 bouches à feu. La fonction de chef d’état-major, autrefois assurée par le brillant Berthier est confié au maréchal Soult qui a déjà combattu les Anglais en Espagne mais sans avoir les qualités d’organisation de son prédécesseur. L’aile gauche est commandée par le maréchal Ney, excellent entraineur d’hommes mais inapte au grand commandement et l’aile droite par le maréchal Grouchy.
2. Plan des Alliés et leur forces :
Bien qu’il ait qualifié son armée de 93 000 « des plus infâme », le duc de Wellington pouvait s’estimer satisfait des troupes qu’il avait sous son commandement. En effet, la moitié des officiers, des unités britannique et de la Légion allemande du Roi avaient servi sous ses ordres en Espagne. Là où le « bât blesse », ce sont les contingents du Hanovre, du Nassau et du Brunswick. S’ajoute aussi les troupes belgo-néerlandaises du nouveau royaume des Pays-Bas dont la plupart ont combattu côté français en Ibérie ! L’artillerie était forte d’un total de 296 canons.
Le prince Guillaume d’Orange commandait le 1er Corps composé de deux divisions néerlandaises et de deux britanniques. Le second corps comportant trois divisions britanniques était sous les ordres de lord Hill et la cavalerie sous ceux du général Paget, comte d’Uxbridge. La réserve était dirigée par Wellington en personne.
Arthur Wellesley a gagné son titre de duc de Wellington et sa réputation de meilleur stratège anglais depuis Marlborough en Espagne et au Portugal .L’armée prussienne du Rhin inférieure était l’aboutissement des réformes entreprises au lendemain de Tilsit. Forte de 117 000 hommes appuyés par 296 pièces d’artillerie et divisés en quatre corps sous les ordres du maréchal Blücher, l’armée était dotée de très bons officiers supérieurs.
Lors d’une conférence, le 3 juin, le Prussien et l’Anglais avaient convenu de la stratégie à adopter : concentrer leurs armées le plus près possible l’une de l’autre.
3. Les batailles de Ligny et des Quatre-Bras :
Le 16, après avoir enlevé Charleroi, Napoléon se dirige alors vers les Prussiens rassembles à Ligny et envoi, au matin, le maréchal Ney qui commande l’aile gauche de l’armée au carrefour des Quatre-Bras, mal tenu par un détachement Anglos-hollandais.
Pour la première fois de sa carrière, ce « fonceur » hésite et décide de ne pas passer à l’action sans le soutien du 2e corps d’armée. Cependant, l’Empereur avait prévu que Ney enveloppe depuis les Quatre-Bras les positions de Blücher à Ligny tandis que lui-même et Grouchy attaqueraient de front.
Ce plan brillant est alors gâché par le maréchal Soult qui transmet les ordres clairs de l’Empereur avec une lenteur surprenante. Entretemps, dans l’après-midi, Wellington arrive sur place avec des renforts quand Ney prend l’offensive, le maréchal étant déjà furieux d’avoir fait faire au 1er corps de Drouet d’Erlon des allers retours inutiles.
La bataille des Quatre-Bras a vu les Anglais tenir fermement leur position malgré les charges furieuses de Ney.
On peut voir ici un carré du 28e régiment de Gloucester, les Quatre-Bras préfigurait déjà Waterloo…L’armée prussienne est battue par l’Empereur en personne. L’engagement fut rude et âpre. Ce n’est qu’en envoyant sa Garde rompre les lignes prussiennes vers 20 heures que Napoléon remporte la bataille. Blücher qui avait tenté une ultime charge de cavalerie fut un moment porté disparu, c’est donc son second Gneisenau qui le remplace et ordonne la retraite vers Wavre. Leur armée laisse 16 000 hommes et 21 canons sur le champ de bataille.
L’Empereur semble alors avoir perdu sa promptitude habituelle et ne lance que très tard (quatorze heures après Ligny) le maréchal Grouchy (qui s’était distingué en 1814 à la tête de la cavalerie) avec 33 000 hommes. De la même manière, les troupes de Wellington purent se replier sans être poursuivi sur le plateau du mont Saint-Jean, au sud de Bruxelles…..
Au final, l’objectif français a échoué : les deux armées alliées, au lieu de s’éloigner l’une de l’autre, se replient à une vingtaine de kilomètres au nord.
III. La bataille.
A cause des pluies de la nuit précédente, le sol était détrempé et glissant. Les combats allaient en être affectés sans compter que les boulets perdraient vite de leur impact. De plus, Napoléon choisit d’attendre la fin de la matinée pour engager la bataille, le privant ainsi d’une victoire avant l’arrivée de Blücher.
1. Ordres de bataille et tactiques préliminaires :
Le champ de bataille est une vallée large bien que peu profonde. A l’ouest de cette vallée, se trouve le château-ferme de Hougoumont à l’est les fermes de Papelotte et de La Haye, au milieu, la ferme de La Haye Sainte.
Le commandant en chef britannique a profité au maximum de ce terrain et fait adopter une position défensive à ses 64 000 hommes Les troupes du 1er et 2e corps sont alors volontairement parsemés derrière la crête appuyées par de l’artillerie en soutien (qui procure alors un feu direct). Hougomont et la Haye Sainte sont fortifiées. La cavalerie est massée au centre. Le plan anglais est d’attendre l’arrivée des alliés prussiens avant de passer à l’attaque.
L’armée du Nord est alors disposée de la manière suivante : une première ligne composée du 1er sur la droite et le second corps de Reille sur la gauche, en deuxième ligne une partie de la cavalerie et enfin la Garde et d’autres détachements de cavalerie sur la troisième ligne. Napoléon a prévu de fixer la gauche britannique pour forcer l’ennemi à y envoyer des renforts, puis attaquer le centre, repousser les Anglais à Bruxelles ensuite à la mer. « L’affaire d’un déjeuner » précisa-t-il.
2. L'attaque d'Hougomont :
La bataille commence à 11 h 30 par l’attaque française sur Hougoumont qui résiste sans que Wellington soit obligé d’envoyer ses réserves. Cette attaque dégénéra en une bataille au cœur de la bataille jusqu’à y mobiliser plusieurs divisions françaises.
3. Les assauts sur Papelotte et la Haye Sainte :
A 13 h 30, l’attaque principale française débute par un bombardement des canons de 12 livres péniblement déployés à cause de la boue. Une heure plus tard, les fantassins d’Erlon s’élancent sur La Haye Sainte et Papelotte en quatre colonnes. Mitraillés au niveau de la Haye-Sainte, ils se font en outre sabrés par la cavalerie britannique. Néanmoins, les Ecossais sont pris à revers par les lanciers de la Garde qui leur infligent à leur tour de lourdes pertes.
Les « Gris » du général Ponsomby, surnommés ainsi à cause de la robe de leur monture, sont même parvenus à s’emparer d’un aigle, celui du 45e de ligne.
Vers 13 heures, les Français avaient déjà repéré que les troupes prussiennes approchaient au nord-ouest. Il s’agissait du corps de cavalerie de Bülow, fort de 30 000 hommes. Napoléon envoya en conséquence à Grouchy, qui marchait sur Wavre, d’arrêter Blücher et surtout de rejoindre le flanc droit de l’armée française. Malgré ses ordres et contrairement à l’axiome napoléonien de « marcher au son du canon », le maréchal continua sa poursuite.
4. La prise de la Haye Sainte :
Pressé par le temps, l’Empereur renonça à la gauche alliée prépara un assaut général sur la Haye-Sainte, clef de voute du dispositif britannique. Pendant la préparation d’artillerie (plus de 80 canons !), un changement de position chez les Anglais fut interprété par Ney comme un repli. Le «Brave des Braves » mena alors deux divisions de cavalerie, les cuirassiers de Milhaud à 15 h 30 sur le centre et la gauche anglaise. Sans l’appui de l’artillerie, la cavalerie se fit hachée menu par les vingt bataillons britanniques formés carrés malgré l’aide de la Garde montée elle-même qui fut donnée à 17 heures.
Enfin, à 18h, la Haye Sainte est prise par Ney mais les Prussiens sont à l’est. En effet, ils s’étaient déployés près du village de Placenoit. Devant renoncer à exploiter le « succès » de son lieutenant, l’Empereur est contraint d’envoyer le 6e corps commandé par le général Lobau. Face à l’insuccès de ce dernier et à l’arrivée croissante de troupes prussiennes, Napoléon fait donner la Jeune Garde puis deux bataillons de la Vieille Garde qui stabilise ainsi le flanc droit français.
5. La Garde est donnée !
Vers 19h, la Garde impériale et toutes les troupes jusque-là en réserve montèrent à l’attaque du Mont Saint-Jean. Pour les galvaniser, Napoléon fit courir le bruit du retour de Grouchy.
Ney mena l’assaut final à la tête des onze bataillons de la Vieille Garde, démontrant une fois de plus son courage. Mais, les Français formés en colonnes, harcelés par les lignes britanniques, pour la première fois de la journée flanchèrent.
La défaite de l’invincible Vieille Garde, les assauts stériles de l’après-midi, l’irruption de la cavalerie prussienne de Zieten, provoquèrent la débandade de toute l’armée. Toute ? Non, deux bataillons de la Garde dont un commandés par Cambronne, formèrent le carré. Cette action combinée à la résistance des braves du 6e corps permit de s’échapper, sinon de s’enfuir, par la route de Charleroi.
Les Alliés effectuèrent leur jonction complète à 21 heures. Et le duc de Wellington rencontra Blücher dans un lieu qui semblait prédestiné : la ferme de la Belle-Alliance….
Napoléon quitta la Belgique pour Paris. L’Empereur espérait obtenir du Parlement les pleins pouvoirs et ainsi continuer la lutte. Son frère Jérôme reçut le commandement des vestiges de l’armée. Les survivants furent reformé par Grouchy à Soissons, le corps d’armée du « retardataire » était lui, intact….
40 000 Français, 15 000 Anglais, 7 000 Prussiens jonchaient le champ de bataille. C’est à eux que cet article est dédié.
IV. Conclusion
La coordination et la communication se sont révélées défectueuses. Le commandement aussi. Suchet et Davout auraient été bien plus utile que Ney et Grouchy aux débuts des opérations sur les ailes de l’armée du Nord au moment de Ligny et des Quatre-Bras. De la même manière, Soult, bien que connaissant l’armée anglaise pour l’avoir affronté en Ibérie, se révéla être un piètre chef d’état-major. Quant au controversé Grouchy, son ordre de poursuite avait été donné trop tard. De plus, pour rallier Waterloo, il aurait du traverser la Dyle dont l’unique pont était gardé par les Prussiens ! Il lui aurait alors fallu combattre puis enfin se diriger vers la morne plaine…
Au final, ce sont les troupes prussiennes qui assènent aux soldats français le coup de grâce en se déversant sur le champ de bataille vers 16 heures. Néanmoins, sans la ténacité des Britanniques, les hommes de Blücher n’auraient pas eu une chance face à l’armée française. On peut donc affirmer que Waterloo n’est ni une victoire anglaise, ni une victoire prussienne mais bien une victoire anglo-prussienne.
Face à une crise financière, contestés par plusieurs factions, en but à l’hostilité de la totalité des grandes puissances, on peut affirmer que Napoléon Bonaparte aurait fini par être vaincu. Tel que le disait Fouché : « L’Empereur gagnera deux batailles et perdra la troisième ». Par son obstination, l’Aigle avait fini par creuser son propre tombeau !
Sources :-
Les guerres napoléoniennes de Gunther E. Rothenberg,
-
Dictionnaire encyclopédique de l’Histoire du monde de Michel Mourre,
-
Chronique de l’Humanité des Editions Jacques Legrand,
-L’Histoire n°401 « Napoléon, comment un empire s’écroule »,
-
Les fraises de Grouchy ou les secrets de la défaite de Napoléon à Waterloo de Gérard Le Tulzo,
-
Waterloo 1815 - L' Europe Face A Napoleon,
-Wikipédia.